Blog

  • La plus grande caméra astronomique du monde bientôt prête à scruter le ciel 

    La plus grande caméra astronomique du monde bientôt prête à scruter le ciel 

    Tout juste assemblée, la caméra LSST1 est désormais prête à être acheminée depuis le SLAC National Accelerator Laboratory aux États-Unis vers l’Observatoire Vera C. Rubin2 au Chili où elle sera installée en mai 2024. Dotée de 3,2 milliards de pixels, c’est la plus grande caméra astronomique jamais construite3. Sa conception aura nécessité près de deux décennies et mobilisé plusieurs centaines de scientifiques du monde entier, dont plusieurs équipes du CNRS4. Pendant les dix prochaines années, la caméra observera le ciel austral quotidiennement, à raison de 800 clichés par nuit, couvrant chacun une surface équivalente à 40 fois celle de la Lune. Ses deux objectifs : étudier et cartographier en 3D l’Univers observable dit « statique », mais aussi surveiller les phénomènes célestes dits « transitoires ». 

    Partenaire historique du CNRS, SLAC a fait appel aux scientifiques de l’organisme afin de participer à l’élaboration du plan focal de la caméra ainsi qu’à la conception et construction de son changeur de filtres robotisé. Ce dernier permettra de changer automatiquement 5 à 15 fois par nuit les cinq filtres de couleurs dont est dotée la caméra, pesant entre 24 et 38 kg chacun. En mesurant la quantité de lumière que les objets célestes émettent et en confrontant les images prises à travers les différents filtres, il sera possible de déterminer avec précision leur position et distance par rapport à la Terre. En parallèle, d’autres scientifiques du CNRS contribuent au développement de l’infrastructure informatique5 qui permettra de traiter quantitativement et qualitativement la somme colossale d’images des quelque 17 milliards d’étoiles et 20 milliards de galaxies observables qui seront collectées. Un véritable travail de fourmi visant à constituer le catalogue de données sur l’Univers le plus complet possible. 

    Pourquoi collecter autant de données ? Elles visent avant tout à mieux comprendre l’énergie sombre, identifiée comme le moteur de l’expansion accélérée de l’Univers et à mener des recherches approfondies sur la matière noire, deux substances mystérieuses qui constituent plus de 95 % du cosmos. Les données relatives au ciel transitoire seront quant à elles rendues publiques quasiment en temps réel et permettront notamment à la communauté scientifique de détecter d’éventuels astéroïdes qui pourraient s’avérer dangereux pour notre planète. La caméra LSST sera livrée à l’Observatoire Vera C. Rubin aux abords de la Cordillère des Andes au Chili en mai 2024 afin d’être installée sur son télescope6. Les premières images sont attendues au printemps 2025. 

    1. Legacy Survey of Space and Time  ↩︎
    2. Du nom de l’astronome américaine Vera C. Rubin qui fut la première à établir la présence de matière noire dans les galaxies. 
      ↩︎
    3. Ce projet est porté par le Laboratoire national de l’accélérateur SLAC (National Accelerator Laboratory) dépendant du département de l’Énergie des États-Unis (DoE) et administré par l’université de Stanford, en Californie. Cette caméra figure dans le Guinness World Records
      ↩︎
    4. Issues du Centre de Calcul de l’IN2P3 (CNRS), Centre de Physique des Particules de Marseille (CNRS / Aix-Marseille Université), Laboratoire Astroparticule et Cosmologie (CNRS / CEA / Université Paris Cité / Observatoire de Paris), Laboratoire d’Annecy de Physique des Particules (CNRS / Université Savoie Mont-Blanc), Laboratoire de Physique de Clermont Auvergne (CNRS / Université Clermont Auvergne), Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie (CNRS / Université Grenoble Alpes), Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies (CNRS / Sorbonne Université / Université Paris Cité), Institut de Physique des 2 Infinis de Lyon (CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1), Laboratoire de Physique des 2 Infinis Irène Joliot-Curie (CNRS / Université Paris-Saclay / Université Paris-Cité) et Laboratoire Univers et Particules de Montpellier (CNRS / Université de Montpellier). 
      ↩︎
    5. L’ensemble des images prises par le télescope seront stockées à Lyon, sur les serveurs du Centre de Calcul de l’IN2P3 (CNRS).  
      ↩︎
    6. Le télescope comprend trois miroirs dont un primaire d’un diamètre de 8,4 mètres, d’une conception unique au monde qui lui confère un champ de vision exceptionnellement large, tout en conservant une forme compacte qui lui permet de se déplacer sur la surface du ciel rapidement. ↩︎
  • Rubin LSST France celebrates International Day of Women and Girls in Science

    Rubin LSST France celebrates International Day of Women and Girls in Science

    Since 2015, every year on February 11, the International Day of Women and Girls in Science is celebrated. Launched by the United Nations General Assembly, this initiative aims to promote women’s and girls’ access to and participation in science, as today women represent only 33% of researchers worldwide and only 35% of students in science and technology-related fields.

    The Rubin LSST France collaboration has joined this initiative by highlighting some of the women in the collaboration. Whether they’re researchers, engineers, postdoctoral researchers or Ph.D. students, find out more about their jobs, their research topics, and what makes them so passionate about the Rubin project.

    Emille Ishida is a research engineer at Laboratoire de Physique de Clermont (CNRS, Université Clermont Auvergne) and one of the leader of the Fink broker.

    Fink is an international collaboration proposing a system capable of managing the unprecedented volume of alerts sent by the Rubin Observatory in real time, alerting scientists to any notable changes from previous observations.

    Marine Kuna is an associate professor and researcher in particle physics and cosmology at Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie (CNRS, Université Grenoble Alpes). She is the Stellar Stream Project Lead in the Dark Energy Science Collaboration. Its target is the detection of dark matter sub-halos through their interaction with stellar streams orbiting the Milky Way. Dark Matter haloes that small have never been observed. Measuring their abundance will be a precious clue to sort out among the many dark matter models. Marine Kuna is also co-supervisor of a Ph.D. thesis on blending, that is the superposition of galaxies in Rubin LSST images.

    Madeleine Ginolin is a Ph. D. student in observational cosmology at Institut de Physique des 2 Infinis de Lyon (CNRS, Université Lyon 1). She is working on the ZTF sample of nearby supernovae (where observational biases are limited) to improve our knowledge of their behavior. This knowledge will then be used to process data from the distant supernovae that will be observed by Rubin. Supernovae are critical distance proxies for measuring the Hubble-Lemaître constant and determining the equation of state for dark energy.

    Marina Ricci is a researcher in observational cosmology at Laboratoire Astroparticule et Cosmologie (CNRS, Université Paris Cité, Observatoire de Paris, CEA, CNES). She is involved in the Dark Energy Science Collaboration which prepares the cosmological analyses of the Rubin LSST data. She studies galaxy clusters and is also involved in the organization of this major international collaboration.

    Claire Juramy-Gilles is an instrumentation engineer at Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies (CNRS, Sorbonne Université et Université Paris Cité). She contributed to the design and testing of the LSST camera’s electronics, and to optimizing the operation of its CCD sensors. She was also involved in building the filter changer system and integrating it into the camera. Finally, she is currently leading a working group of engineers and researchers to improve the camera’s performance.

    Nicoleta Pauna is associate professor and researcher in physics at Laboratoire de Physique de Clermont (CNRS, Université Clermont Auvergne). Her work is part of an effort to characterize CCD detectors to correct for certain instrumental effects. The camera’s focal plane is equipped with high-resistivity CCDs, whose increased sensitivity makes it possible to probe further into the Universe. Calibration of the sensors is a critical point in the control of systematic errors.

    Sylvie Dagoret-Campagne is a CNRS senior researcher scientist at Laboratoire Irène Joliot Curie IJCLab (CNRS, Université Paris Saclay, Université Paris Cité).
    Her work on large-scale galaxy surveys, such as the Rubin LSST, focuses both on accurately measuring the fluxes of distant galaxies by correcting for variations in atmospheric transparency, and on estimating their distances, which are essential for testing models of the growth of the Universe’s large-scale structures.

    Anna Niemec is a postdoctoral researcher in observational cosmology at Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies (CNRS, Sorbonne Université et Université Paris Cité). Her work focuses on gravitational lensing, a technique that enables us to trace the distribution of matter in the Universe, including the mysterious dark matter. She is also involved in preparing cosmological analyses within the Dark Energy Science Collaboration.

  • Rubin LSST France célèbre la journée internationale des femmes et des filles de science

    Rubin LSST France célèbre la journée internationale des femmes et des filles de science

    Depuis 2015, le 11 février de chaque année est marqué par la célébration de la Journée internationale des femmes et des filles de Science. Lancée par l’assemblée générale de l’ONU, cette initiative a vocation à promouvoir l’accès et la participation des femmes et des filles à la science, alors qu’aujourd’hui les femmes ne représentent que 33% des chercheurs dans le monde et seulement 35% des étudiants dans les domaines liés aux sciences et technologies.  

    La collaboration Rubin LSST France a souhaité s’associer à cette démarche en mettant en avant quelques unes des femmes de la collaboration. Qu’elles soient chercheuses, ingénieures, doctorantes ou encore postdoctorantes, découvrez ci-dessous leur métier, leur thématique de recherche mais aussi ce qui les passionne dans le projet Rubin LSST.

    Emille Ishida est ingénieure de recherche au Laboratoire de Physique de Clermont (CNRS, Université Clermont Auvergne) et l’une des responsables du système d’alertes Fink.

    Fink est une collaboration internationale qui propose un système capable de gérer, en temps réel, le volume d’alertes sans précédent envoyées par l’Observatoire Rubin et de prévenir les scientifiques de tout changement notoire par rapport à des observations antérieures.

    Marine Kuna est maître de conférences et chercheuse en physique des particules et de cosmologie au Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie (CNRS, Université Grenoble Alpes) et responsable du projet Stellar Stream dans la Dark Energy Science Collaboration. L’objectif de Stellar Stream est de détecter des sous-halos de matière noire présents dans notre galaxie via leur interaction avec les courants stellaires en orbite autour de la Voie Lactée. Des sous-halos de matière noire de si petite taille n’ont jamais encore été observés. La mesure de leur abondance sera un indice précieux pour trancher parmi la multitude des modèles de matière noire. Marine Kuna co-encadre également une thèse sur la problématique du blending, c’est-à-dire la superposition des galaxies dans les images de Rubin LSST.

    Madeleine Ginolin est doctorante en cosmologie observationnelle à l’Institut de Physique des 2 Infinis de Lyon (CNRS, Université Lyon 1). Elle travaille en particulier sur l’échantillon de supernovae proches ZTF, où les biais d’observation sont limités, afin d’améliorer notre connaissance de leur comportement. Ces connaissances seront ensuite utilisées pour traiter les données des supernovae lointaines observées par Rubin. Les supernovae sont des indicateurs de distance cruciaux pour la mesure de la constante de Hubble-Lemaître et la détermination de l’équation d’état de l’énergie noire.

    Marina Ricci est chercheuse en cosmologie observationnelle au Laboratoire Astroparticule et Cosmologie (CNRS, Université Paris Cité, Observatoire de Paris, CEA, CNES). Elle est impliquée dans la Dark Energy Science Collaboration qui prépare les analyses cosmologiques des données de Rubin LSST. Elle s’intéresse particulièrement aux amas de galaxies et oeuvre aussi à l’organisation de cette grande collaboration internationale.

    Claire Juramy-Gilles est ingénieure en instrumentation au Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies (CNRS, Sorbonne Université et Université Paris Cité). Elle a contribué à la conception et aux tests de l’électronique de la caméra LSST et à l’optimisation du fonctionnement de ses capteurs CCD. Elle a également participé à la construction du système de changeur de filtres et à son intégration dans la caméra. Enfin, elle anime actuellement un groupe de travail, composé d’ingénieurs et de chercheurs, dont l’objectif est d’améliorer les performances de la caméra.

    Nicoleta Pauna est enseignante chercheuse en physique au Laboratoire de Physique de Clermont (CNRS, Université Clermont Auvergne). Son travail s’inscrit dans une démarche de caractérisation des détecteurs CCD afin de corriger certains effets instrumentaux. Le plan focal de la caméra est en effet équipé de capteurs à haute résistivité qui permettent de sonder plus loin dans l’Univers grâce à leur sensibilité accrue. La calibration de ces capteurs représente un point crucial dans le contrôle des erreurs systématiques.

    Sylvie Dagoret-Campagne est directrice de recherche au CNRS au Laboratoire Irène Joliot Curie IJCLab (CNRS, Université Paris Saclay, Université Paris Cité).
    Ses travaux dans le cadre des grands relevés de galaxies comme celui de Rubin LSST portent à la fois sur la précision de la mesure des flux des galaxies lointaines en les corrigeant des variations  de la transparence atmosphérique et sur l’estimation de leurs distances si indispensables pour tester les modèles de croissance des grandes structures de l’Univers.

    Anna Niemec est chercheuse postdoctorale en cosmologie observationnelle au Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies (CNRS, Sorbonne Université et Université Paris Cité). Elle travaille sur l’effet de lentille gravitationnelle qui permet de tracer la distribution de matière dans l’Univers, y compris de la mystérieuse matière noire. Elle participe également à la préparation des analyses cosmologiques dans la Dark Energy Science Collaboration.

  • L’Observatoire Rubin va inspirer une nouvelle ère de missions spatiales

    L’Observatoire Rubin va inspirer une nouvelle ère de missions spatiales

    Grâce à sa vue d’ensemble et détaillée du système solaire, ainsi que sa capacité à détecter et à suivre rapidement les objets en mouvement, l’Observatoire Vera C. Rubin va constituer une mine de données pour la planification et la préparation des missions spatiales. Il va en effet aider les scientifiques à identifier les cibles à privilégier pour les futures missions spatiales en détectant des millions de nouveaux objets du système solaire et en révélant, avec plus de détails que jamais, le contexte plus large dans lequel ces objets existent. Rubin pourra également alerter les scientifiques de l’existence d’objets tels que des astéroïdes, des comètes ou des objets interstellaires en approche, suffisamment à temps pour déterminer leurs trajectoires et préparer les missions spatiales destinées à les étudier.

    Nous vivons une période passionnante pour l’exploration du système solaire, avec l’annonce récente de résultats de missions spatiales telles que OSIRIS-REx, Lucy et Psyche de la NASA et Juice de l’ESA. Ces engins spatiaux (sans équipage) ont visité nos voisins cosmiques et ont rapporté des images en gros plan, des informations détaillées et même des roches et des poussières extraterrestres. Mais les missions spatiales ne sont rendues possibles que grâce à des recherches approfondies, préalables à la préparation et à l’orientation des scientifiques sur Terre. Les observations des observatoires astronomiques au sol sont essentielles à ce processus. L’Observatoire Rubin, financé conjointement par la National Science Foundation (NSF) et le Department of Energy (DOE) américain, commencera bientôt à produire l’un des ensembles de données astronomiques les plus vastes produits par un même observatoire. Il fournira aux scientifiques un trésor d’informations qu’ils pourront utiliser pour planifier et préparer la prochaine génération d’ambitieuses missions spatiales, notamment sur le plan scientifique. L’Observatoire Rubin est situé au Chili et sera mis en production en 2025. L’Observatoire Rubin est un programme opéré par le NOIRLab de la National Science Foundation, en collaboration avec le SLAC National Accelerator Laboratory.

    Le système solaire regorge de millions de petits objets rocheux et glacés. La plupart se sont formés très tôt, comme les objets proches de la Terre et les astéroïdes troyens, tandis que d’autres sont des voyageurs lointains provenant de systèmes solaires autres que le nôtre, connus sous le nom d’objets interstellaires. 

    Au cours des dix années que durera le relevé LSST (pour Legacy Survey of Space and Time), l’Observatoire Rubin scrutera toutes les nuits l’ensemble du ciel de l’hémisphère sud à l’aide d’un télescope à déplacement rapide de 8,4 mètres et de la plus grande caméra numérique au monde. Il permettra de révéler des millions d’objets du système solaire jusqu’alors inconnus. Le relevé effectué par l’Observatoire Rubin devrait potentiellement quintupler notre recensement actuel des objets connus du système solaire, que les scientifiques construisent patiemment depuis plus de 150 ans.

    « Rien n’approchera la profondeur du relevé réalisé par Rubin et le niveau de caractérisation que nous obtiendrons pour les objets du système solaire », déclare Siegfried Eggl, professeur adjoint à l’Université de l’Illinois (Urbana-Champaign, États-Unis) et responsable du groupe de travail sur le système solaire interne au sein de la Solar System Science Collaboration (SSSC) de Rubin/LSST. « Il est fascinant que nous ayons la possibilité d’approcher des objets intéressants et de les observer de près. Mais pour cela, nous devons savoir qu’ils existent et nous devons savoir où ils se trouvent. C’est ce que Rubin nous dira ».

    L’Observatoire Rubin est situé au sommet du Cerro Pachón, dans le désert chilien. © RubinObs/NSF/AURA/H. Stockebrand

    En plus de détecter des millions de nouveaux objets astronomiques, Rubin fournira également des informations sur la structure du système solaire et révélera des régions entières contenant des objets uniques ou scientifiquement intéressants à prendre en considération pour de futures missions spatiales.

    « Si l’on compare Rubin à une plage, on verrait des millions et des millions de grains de sable, mais aussi la plage dans son ensemble », explique Siegfried Eggl. « Il peut y avoir une zone de sable jaune ou de sable noir volcanique, et une mission spatiale vers un objet de cette région pourrait permettre d’étudier ce qui la rend différente. Souvent, nous ne savons pas ce qui est bizarre ou intéressant si nous ne connaissons pas le contexte dans lequel il se trouve ».

    En plus de fournir aux astronomes et aux astrophysiciens la vue du ciel austral la plus complète à ce jour, Rubin les alertera également des changements dans le ciel nocturne dans les 60 secondes suivant leur détection. Ce système d’alertes en temps réel pourrait inciter les scientifiques à commencer à préparer une mission spatiale vers une cible qui se déplace rapidement, peut-être même un objet interstellaire en approche, suggère Siegfried Eggl. « Rubin va pouvoir nous donner le temps de préparation dont nous avons besoin pour lancer une mission d’interception d’un objet interstellaire. Il s’agit d’une synergie propre à Rubin et à l’époque dans laquelle nous vivons ». En fait, de telles missions sont déjà en cours de développement : la mission JAXA/ESA Comet Interceptor sera lancée en 2029 et attend la découverte (probablement par Rubin) d’une comète à longue période du système solaire qui soit visitable ou celle d’un objet interstellaire passant pour la première fois devant le Soleil.

    Les observations précises et fréquentes de Rubin sur les objets du système solaire et leur emplacement pourraient également profiter aux missions spatiales déjà en cours, en alertant les scientifiques sur les possibilités d’observation intéressantes proches de la trajectoire d’un engin spatial, ou à proximité grâce à un léger détour. Rubin est par exemple bien placé pour influencer la mission Lucy, opérée par la NASA pendant 12 ans. Première mission spatiale envoyée pour étudier les astéroïdes piégés dans et autour de l’orbite de Jupiter, Lucy a déjà fourni des informations scientifiques précieuses ainsi que des résultats inattendus. Mais lorsque le relevé LSST de Rubin débutera, des astéroïdes plus petits et moins lumineux situés à proximité de la future trajectoire de Lucy seront observés pour la première fois par les scientifiques ici sur Terre : ce seront alors autant de nouvelles possibilités de survol et autant de découvertes scientifiques que nous sommes loin de pouvoir prédire. « Avec nos télescopes actuels, nous avons essentiellement observé les gros rochers sur la plage », continue Siegfried Eggl, « mais Rubin permettra de zoomer sur les grains de sable les plus fins ».

    Plus d’informations :

    L’Observatoire Rubin est une initiative conjointe de la National Science Foundation (NSF) et du Department of Energy (DOE) américain. Sa mission principale est de réaliser le relevé LSST (Legacy Survey of Space and Time), en fournissant un ensemble de données sans précédent pour la recherche scientifique soutenue par les deux agences. Rubin est exploité conjointement par le NOIRLab de la NSF et SLAC National Accelerator Laboratory (SLAC). NOIRLab est géré pour la NSF par l’Association des universités pour la recherche en astronomie (AURA) et SLAC est géré pour le DOE par l’Université de Stanford. La France apporte un soutien essentiel à la construction et à l’exploitation de l’Observatoire Rubin grâce aux contributions du CNRS/IN2P3. Nous remercions également un certain nombre d’organisations et d’équipes internationales pour leurs contributions supplémentaires.

    Lien vers le communiqué en anglais

    Liens utiles :

    En France, Benoit Carry (photo ci-contre), astronome adjoint au Laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur, INSU, Université Côte d’Azur) est membre de SSSC. Ses recherches portent sur la caractérisation physique des objets du système solaire, en particulier sur la ceinture principale d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. 

    Récemment arrivé dans le projet, il a très vite compris l’intérêt du relevé LSST pour ses recherches : « LSST sera le champion toutes catégories de la découverte d’objets du système solaire ! » En effet, la profondeur mais aussi la cadence à laquelle la caméra de Rubin reviendra en continu sur une même portion du ciel devrait permettre d’observer, d’après les estimations, jusqu’à 6 millions d’objets du système solaire en deux ans de production, contre 1,3 millions sur les 200 dernières années. « Avec autant d’observations, on va clairement passer de l’âge sombre à l’âge d’or du système solaire…» 

    L’autre point notable du LSST se situe sur sa caméra : elle est équipée d’un système photométrique multibandes qui, allié à un système d’alertes, permettra de détecter en temps réel les objets transitoires. Benoit Carry collabore ainsi régulièrement avec l’équipe du broker Fink, l’un des systèmes d’alertes officiels de Rubin. 

    Né au Laboratoire de Physique de Clermont (CNRS, Université Clermont Auvergne) et au Laboratoire de Physique des 2 Infinis Irène Joliot-Curie (CNRS, Université Paris Saclay, Université Paris Cité), Fink (photo de l’équipe à dr.) sera capable, en temps réel, de gérer le volume d’alertes sans précédent envoyées par l’Observatoire Rubin et de prévenir les scientifiques de tout changement notoire par rapport à des observations antérieures. Ce système devrait ainsi permettre de mieux comprendre les phénomènes transitoires (les objets du système solaire mais aussi les supernovae, les sursauts gamma, etc.).

    Au-delà de ses prérogatives de système d’alertes traditionnel, l’un des objectifs majeurs de Fink est de construire une plateforme de référence pour l’étude du système solaire à l’ère des flux de données massifs. 

    « Fink présente l’avantage de filtrer par défaut les alertes qui concernent le système solaire pour ne pas polluer les autres champs scientifiques » poursuit Benoit Carry. « Ces alertes seront donc facilement accessibles par les astronomes et très intéressantes par exemple pour différencier les comètes des astéroïdes, ces fossiles du système solaire.» Et ainsi accélérer les connaissances sur la composition de l’Univers. 

    Contacts :

    • Benoit Carry, astronome adjoint au Laboratoire Lagrange : benoit.carry@oca.eu
    • Gaëlle Shifrin, responsable communication Rubin LSST France : gshifrin@in2p3.fr
  • Rubin dévoilera les archives fossiles de l’évolution des amas de galaxies

    Rubin dévoilera les archives fossiles de l’évolution des amas de galaxies

    Le télescope à déplacement rapide et l’énorme caméra numérique de l’observatoire Vera C. Rubin captureront la faible lueur des étoiles flottant librement dans les amas de galaxies, apportant un éclairage sans précédent sur l’évolution de ces structures dynamiques.

    La lumière intra-amas, l’éclat collectif d’innombrables étoiles arrachées à leur galaxie d’origine et laissées à l’abandon dans le vaste espace intergalactique, est incroyablement faible et difficile à détecter. Le prochain relevé LSST sera le premier à fournir aux scientifiques les données pour détecter la lumière intra-amas dans des milliers d’amas de galaxies, révélant ainsi des indices sur l’histoire de l’évolution de l’Univers sur de grandes échelles.

    Les galaxies, comme notre Voie lactée, sont des collections de milliards d’étoiles maintenues ensemble par la gravité. Parfois, les galaxies se regroupent en amas contenant des centaines, voire des milliers de galaxies. Ces amas de galaxies sont les plus grands objets de l’Univers qui sont maintenus ensemble par leur propre gravité et il leur faut des milliards d’années pour se former et évoluer. Si nous pouvions, d’une manière ou d’une autre, regarder leur évolution en accéléré, les interactions spectaculaires entre les galaxies seraient fascinantes. Mais il existe un moyen de lire l’histoire des amas de galaxies grâce à  la population d’étoiles qui ont été arrachées à leurs galaxies d’origine et éparpillées dans les espaces entre les galaxies de l’amas. Ces étoiles émettent une lueur appelée lumière intra-amas, qui est au moins 1000 fois plus faible que le ciel nocturne le plus sombre que nous puissions percevoir avec nos yeux. En raison de sa faible luminosité, la lumière intra-amas est restée en grande partie cachée des télescopes et des caméras existantes. Mais grâce aux données du LSST de l’Observatoire Vera C. Rubin, qui débutera en 2025, les scientifiques seront en mesure d’observer cette lumière extrêmement faible comme jamais auparavant.

    Au fil des millions d’années, lorsque les galaxies entrent en collision et fusionnent, la lumière intra-amas constitue un « registre fossile » des interactions dynamiques qu’un amas de galaxies a connues, offrant une mine d’informations sur la formation des amas et l’histoire de l’Univers à grande échelle. 

    « Les étoiles arrachées à leurs galaxies finissent par peupler l’espace entre les galaxies d’un amas. Ces étoiles sont comme la poussière libérée d’un morceau de craie lorsque vous écrivez sur un tableau noir », explique Mireia Montes, chargée de recherche à l’Instituto de Astrofísica de Canarias et membre de la Rubin/LSST Galaxies Science Collaboration (collaboration scientifique Rubin/LSST sur les galaxies). « En suivant la poussière de craie stellaire avec Rubin, nous espérons pouvoir lire les mots sur le tableau noir des amas de galaxies. » 

    Combien d’étoiles flottent librement au sein des amas de galaxies ? Comment sont-elles réparties dans les amas ? Les réponses à ces questions ne sont pas bien connues, car la lumière intra-amas a été très difficile à étudier jusqu’à présent. « Il y a tellement de choses que nous ne savons pas sur la lumière intra-amas », dit Mireia Montes. « L’intérêt de Rubin est qu’il va nous fournir de nombreux amas de galaxies que nous pourrons explorer. »

    En plus d’étudier la lumière intra-amas pour obtenir des indices sur l’histoire des amas de galaxies, les scientifiques peuvent également l’utiliser pour mieux comprendre la substance insaisissable connue sous le nom de matière noire – une matière invisible qui n’émet ni ne réfléchit la lumière et qui se trouve en forte concentration au sein des amas de galaxies. 

    Rubin scrutera l’ensemble du ciel de l’hémisphère sud toutes les 3-4 nuits pendant dix ans à l’aide de la plus grande caméra numérique au monde, révélant la lumière intra-amas que, jusqu’à présent, les astronomes n’ont pu détecter que par des observations longues et ciblées d’un seul amas de galaxies à la fois. Au cours des dix années que durera le relevé, Rubin prendra des millions d’images haute résolution d’amas de galaxies lointains et les scientifiques seront en mesure d’empiler ces images pour obtenir les plus grandes images à très longue exposition jamais créées du ciel de l’hémisphère sud. Les images empilées donneront aux scientifiques plus d’amas de galaxies dont la lumière intra-amas est détectable dans chaque champ de vision qu’ils n’en ont eu au total jusqu’à présent. Ainsi, Rubin élargira le nombre d’amas de galaxies que nous pouvons étudier de quelques uns à des milliers, ce qui permettra à des chercheuses et chercheurs comme Mireia Montes d’analyser la faible lueur de la lumière intra-amas dans l’ensemble de l’Univers.

    De l’évolution des amas de galaxies à la distribution de la matière noire, la lumière intra-amas fournit des indices importants sur la façon dont la structure à grande échelle de l’Univers s’est formée. « La lumière intra-amas peut sembler très petite et insignifiante, mais elle a de nombreuses implications », explique Mireia Montes. « Elle complète ce que nous savons déjà et ouvre de nouvelles fenêtres sur l’histoire de notre Univers. »

    En France, une vingtaine de chercheurs et chercheuses étudieront les amas de galaxies à partir du relevé LSST. « Avec pour objectif principal de mieux comprendre les grandes structures de l’Univers »  précise Marina Ricci, chercheuse en cosmologie observatoire à l’APC (CNRS, Université Paris Cité) et coordinatrice des recherches sur les amas de galaxies au sein de la collaboration Rubin LSST France. « Plusieurs groupes s’intéressent particulièrement aux méthodes de détection des amas et à la mesure de leur masse par effet de lentillage gravitationnel1. » 

    Ces mesures nécessitent de mesurer avec grande précision la forme et la brillance des galaxies autour des amas. De plus, « pour pouvoir détecter les signaux diffus très faibles captés par LSST, comme la lumière intra-amas, on va devoir tester très finement nos méthodes de détection du signal et d’analyse d’images » explique Marina Ricci, « LSST va nous permettre de mieux comprendre la manière dont la matière noire, les galaxies et les étoiles évoluent ensemble au sein des amas. »

    Passionnée par ces grandes structures, Marina Ricci rappelle que « les amas de galaxies sont les objets les plus massifs de l’Univers, mais aussi des objets extrêmement complexes. Ils sont très intéressants car ils nous permettent d’étudier de nombreux phénomènes astrophysiques. »

    Lire le texte original en anglais

    © RubinObs/NOIRLab/NSF/AURA/H. Stockebrand

    L’Observatoire Rubin est une initiative conjointe de la National Science Foundation (NSF) et du Department of Energy (DOE) des États-Unis. Sa mission principale est de réaliser le relevé LSST, en fournissant un ensemble de données sans précédent pour la recherche scientifique soutenue par les deux agences. Rubin est exploité conjointement par le NOIRLab de la NSF et le SLAC National Accelerator Laboratory (SLAC). NOIRLab est géré pour la NSF par l’Association des universités pour la recherche en astronomie (AURA) et SLAC est géré pour le DOE par l’Université de Stanford.

    La France, au travers l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS, est partie prenante du projet. Hormis les groupes de recherche (allant de la théorie à l’analyse de données en passant par l’instrumentation), l’IN2P3 participe également au développement et à la construction de divers sous-systèmes de la caméra de l’observatoire Rubin et au système de traitement des images. Au total, neuf laboratoires de l’Institut et le centre de calcul sont directement impliqués dans ce projet, incluant une variété de profils (recherche, ingénierie, technique, administration) et une diversité de métiers (en mécanique, électronique ou encore informatique). L’IN2P3 est notamment partie prenante de la collaboration scientifique LSST DESC qui effectuera des mesures de haute précision des paramètres cosmologiques fondamentaux à l’aide des données LSST. 

    Liens utiles :

    Contacts :

    • Marina Ricci, chercheuse en cosmologie au laboratoire APC – ricci@apc.in2p3.fr
    • Gaëlle Shifrin, responsable communication Rubin LSST France – gshifrin@in2p3.fr
    1. La lentille gravitationnelle se produit lorsqu’un corps céleste massif, tel qu’un amas de galaxies, provoque une courbure suffisante de l’espace-temps pour que le trajet de la lumière autour de lui soit visiblement courbé, comme par une lentille.  ↩︎